- Des festivaliers venant d’Europe et d’Amérique… le pari réussi de Beni Ammar
- Compétitions, expositions, et conférences…pour réhabiliter l’image de l’âne
Dans le village de Kasbat Beni Ammar (2.000 habitants), à quelques kilomètres de Moulay Idriss Zarhoun (circonscription de Meknès), le «Festibaz» était de retour du 22 au 28 juillet dernier. Ce festival qui rend hommage à l’âne a célébré, cette année, sa 12e édition, au grand bonheur de la population locale. Surtout que l’événement revient après 5 années d’arrêt. Retour sur un événement insolite.
■ Célébrer un animal qui souffre en silence
L’âne reste un moyen de transport privilégié dans les zones rurales, voire même dans certaines médinas (comme à Fès) où les ruelles étroites restent inaccessibles aux voitures. Cet animal a toujours aidé à transporter des chargements lourds. Il bat le pavé et souffre en silence. En plus, il endure une mauvaise image dans la culture populaire. Se faire traiter d’âne est considéré comme une insulte. Pour toutes ces considérations, Mohamed Belmou, président de «l’Association Relance du développement intégré» (ARDI), lui a dédié un festival, «Festibaz». Lequel est organisé annuellement depuis 2002. «Notre ambition est de réhabiliter l’image de ce vieux compagnon de l’homme», explique Belmou. Mais faute de soutien, l’avant-dernière édition, la 11e, ayant été organisée en 2013. «Entre-temps, notre festival a décroché un prix international en 2014. Et depuis 2018, il figure sur la liste des événements «patrimoine immatériel» du ministère de la Culture», confie l’initiateur du Festibaz.
■ L’édition 2019 a attiré 5.000 festivaliers
Avec peu de moyens, Festibaz 2019 a animé le village de Beni Ammar durant 7 jours. Ainsi, pas moins de 5.000 visiteurs, certains venant d’Amérique et d’Europe, sont venus profiter de l’événement. Située à 35 km de Meknès, Kasbat Beni Ammar manque cruellement d’infrastructures hôtelières. «Les touristes qui s’y sont rendus durant notre festival étaient obligés de passer la nuit dans la capitale ismaïlienne ou ailleurs». Mais ceci ne les a pas découragés. Car, si certains étaient curieux de voir comment la localité de Beni Ammar allait rendre un hommage à un animal dévoué et infatigable, d’autres ont vivement apprécié son programme. «Nous y reviendrons l’année prochaine», promettent-ils.
■ Une bonne ambiance pour un budget… «dérisoire»
Pour 160.000 DH de budget, le Festibaz 2019 a créé une véritable animation culturelle, ludique, musicale et sportive… et surtout une bonne ambiance. Sa programmation a prévu des ateliers de dessins, expositions, conférences, compétitions et prix. Signalons que la soirée de clôture a été animée par la troupe de Nass El Ghiwane. Mais de toutes les activités, la course et le concours de beauté des ânes étaient les plus attrayants. Outre les festivaliers, plusieurs médias nationaux et étrangers ont fait le déplacement pour couvrir le festival insolite, qui s’est déroulé en partenariat avec L’Economiste.
Le 28 juillet 2019, la course a opposé une trentaine d’ânes sur une distance d’un kilomètre, sous le regard joyeux des curieux, jeunes et moins jeunes. La bonne humeur était au rendez-vous.
■ «Cléopâtre», l’ânesse qui a volé le titre de reine
Au concours du plus bel âne, le sourire et l’amusement étaient au rendez-vous. Anecdotique, pour la première fois dans l’histoire du festival, le roi des ânes est une reine, «Cléopâtre». En effet, le coup de cœur du jury, composé notamment d’un vétérinaire, d’artistes et un prof de philosophie, s’est porté sur cette ânesse qui a triomphé de ses concurrents mâles. «Nous avons examiné l’apparence des prétendants, leur état de santé et leur complicité avec leur maître. Et finalement, «Cléopâtre» l’a remporté à la majorité des voix», indique un membre du jury. C’est le grand bonheur pour Abdeljalil, le propriétaire de l’animal, qui lui prédestinait un bel avenir. «Je l’ai appelée Cléopâtre en référence à la reine de l’Égypte antique connue pour sa beauté», déclare Abdeljalil. Ce dernier a remporté un prix de 2.500 DH et un sac d’orge pour la Miss. Les dauphins de la reine sont respectivement «Oscar» et «Reine du couchant». Leurs propriétaires ont également reçu des récompenses.
■ Pérenniser l’événement et lutter contre l’exode en priorité
«A travers cette compétition, nous rendons hommage à cet animal qui joue un rôle clé dans la vie des habitants du village Beni Ammar», estime Mohamed Belmou. Et de poursuivre: «Cette localité comptait 6.000 habitants à la fin des années 1970, 2.000 aujourd’hui. Il faut créer des manifestations pour soutenir le monde rural, générer des revenus et lutter contre l’exode rural». Autrement, les 2.000 âmes de Beni Ammar quitteraient leur terre d’origine pour une vie meilleure en ville. En tout cas, le Festibaz est un événement qui pourrait enclencher une dynamique au niveau de cette localité. «Pour qu’il devienne pérenne, il faut l’encourager et l’appuyer par du sponsoring… Car, la société civile ne pourrait pas, à elle seule, faire face aux difficultés financières. Certes, l’édition 2019 s’est achevée sur un succès d’audience, mais nous devons faire face à un déficit budgétaire de 40.000 DH», conclut Belmou.
L’apport du département Laârej
Le ministère de la Culture et de la Communication a consacré une enveloppe de 80.000 DH au Festibaz 2019. «Notre département vise à protéger le monde rural et à le doter progressivement des équipements culturels et artistiques nécessaires», indique Mohamed Laârej, ministre de la Culture et de la Communication. Selon lui, «le droit d’accéder à la culture est un droit humain». A ce titre, le budget du secteur culturel pour 2019 a programmé la réalisation de trente centres culturels de proximité, en particulier dans le monde rural. «Ce qui illustre nos efforts pour mieux équiper les centres ruraux d’infrastructures de proximité dédiées à encourager les activités culturelles», souligne le ministre.